Souvenirs de Mai 68

 

1968 : j’enseigne depuis septembre au collège et l’on m’a confié une classe de transition. Depuis quelques années un malaise est perceptible au sein de la société et plus précisément dans l’enseignement. Au collège, on est attentif à l’évolution de la pédagogie et les sœurs n’ont pas attendu pour mettre en place des dispositifs d’aide aux élèves en difficulté. Déjà souffle un vent de modernisme.

 

Début mai, des étudiants se révoltent contre les institutions, le capitalisme, les valeurs traditionnelles. Ils sont bientôt rejoints par les ouvriers. Dès le 13 mai, il fut difficile de se déplacer : c’était la grève générale. Il n’y avait plus de bus, l’essence manquait ; les lycéens, les étudiants, les ouvriers envahissaient les places et les rues. Les parents craignant des incidents gardaient leurs enfants à la maison. Il fallut renvoyer rapidement les dernières pensionnaires sous la menace des ouvriers des docks voisins, prêts à occuper les lieux. Des cortèges passaient devant les grilles du château appelant à la révolte.

 

Fidèles au poste mais sans élèves, nous nous réunissions dans le parc. Il faisait très beau et nous refaisions le monde, participant à l’ébullition générale. J’ai le souvenir d’explosion d’idées plus ou moins utopiques, d’une frénésie de débats, de discussions passionnées dans un contexte plutôt festif. Pendant un mois, tout fut remis en question : les pratiques pédagogiques, la transmission de la foi, l’exercice de l’autorité…

 

Fin mai, après les accords de Grenelle, la fièvre tomba, les grèves cessèrent progressivement. Les élèves revinrent en classe et la vie reprit son cours. Tout était comme avant mais une brèche était ouverte, ouvrant la voie à de nouvelles formes de contestation et de mobilisation les années suivantes.

 

                                                                                                Marie-Paule Plouvier

 

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