Souvenirs d'un père d'élèves

1957 - 1984

Juin 1957 : je viens d'être nommé à Cambrai. Ma femme et moi ne connaissons nullement cette ville;  nous avons alors quatre enfants. L’ainé va avoir sept ans, la deuxième vient de naître. Sur les conseils d'un collègue, nous inscrivons notre seconde Elisabeth au jardin d'enfants de Jeanne d'Arc.  Jeanne d'Arc a son entrée rue de l'Epée. Derrière la porte cochère, une blanche statue de la patronne de l’Institution ;  puis se trouve une cour entourée de hauts bâtiments, un préau. Un escalier raide conduit aux étages d’où déboulent des élèves en tablier bleu clair à l'heure des sorties. Une cloche à battant, à laquelle est préposée une « grande » de 4ème,  rythme le cours de la vie scolaire.

 

L'institution est, à l'époque, un établissement primaire et secondaire, du jardin d'enfants à la philo, avec une classe par niveau d'étude. Les  religieuses, dans leurs lourds vêtements, en assurent  direction et enseignement, aidées par des professeurs laïques. Elles sont tellement engoncées dans leurs habits, cachées sous leurs coiffes,  qu'il est difficile de les identifier.

 

A ce moment, le « château » du boulevard de la Liberté n'est qu'une annexe où vivent les pensionnaires en dehors des heures de classe.  La longue file de celles-ci déambulant dans les rues donne l'heure exacte.

 

Deux ans vont passer ainsi : souvent ma femme et moi irons gravir les escaliers raides pour aller chercher Elisabeth à l'étude surveillée par Mademoiselle Tremblay, où elle attend 16h45, l’heure de sortie de Sainte-Croix de son frère aîné. Ah ! Ces horaires qui ne coïncident jamais !

 

Septembre 1959 : il est l'heure pour notre 3ème, Didier, d'entrer à l'école. L’ainé arrivant en 6ème  à l'institution Notre-Dame-de-Grâce, afin de ne pas multiplier le nombre d'établissements, c'est au jardin d'enfants de Jeanne d'Arc que nous l’inscrivons. Celui-ci accueille, en effet, les petits garçons.  Ce n'est déjà plus rue de l'épée que vont les plus jeunes, mais au boulevard de la Liberté, dans l'annexe où se trouvent actuellement les cuisines. Didier restera là jusqu’en 11ème pour continuer ensuite à l'Institution Notre-Dame de Grâce.

 

Marie-Hélène fera sa rentrée deux ans plus tard, toujours au jardin d'enfants, tout comme notre cinquième, Bertrand, lui en 1963.

 

C'est alors qu'intervient, en juin 1963, un évènement mémorable : la bénédiction par Monseigneur Corduant de la première pierre du nouveau bâtiment du boulevard de la Liberté, celui-là même qui longe le dit boulevard. Ceci se passe aussitôt après la cérémonie de confirmation de Marie-Hélène et de ses camarades. Cela va permettre le regroupement de toutes les classes. Adieu, bientôt, aux locaux  de la rue de l’Epée. Le nouveau bâtiment va être inauguré dès la rentrée de 1965 par Élisabeth (en 4ème) et Marie-Hélène (en 8ème) ; Bertrand, lui, rejoint ses frères à Notre-Dame.

 

Nouveau changement : l’ainée va devoir quitter Jeanne d'Arc dès 1967 pour entrer en seconde à Saint Bernard. Du fait de la fusion entre ces deux établissements, Jeanne d'Arc va se consacrer au premier cycle, 6ème à 3ème,  tandis que Saint Bernard aura les primaires et le second cycle.  Pendant une année cependant, resteront la 7ème,  la première,  et pour un temps, le jardin d'enfants.

 

Sylvie, notre sixième enfant, était elle aussi entrée au jardin d'enfants de Jeanne d'Arc, mais ira en dixième à Saint Bernard. Le suivant, Thierry, sera le seul de nos enfants avec notre ainé à n'avoir pas connu l’institution Jeanne d'Arc.

 

En 1976, Sylvie étant entrée en seconde à Notre-Dame, nous n'avons plus, après 18 ans, mais provisoirement, de fille à Jeanne d’Arc.

 

Que de transformations nous aurons connues en ces 18 années !  Le petit établissement primaire et secondaire de jadis est devenu un important collège de premier cycle…

 

Laissez-moi évoquer quelques souvenirs…

 

Il y a longtemps une fête de Jeanne d'Arc, assez différente de la journée « portes-ouvertes » que nous connaissons actuellement ; elle se déroulait au cours du second trimestre dans la salle des fêtes de Notre-Dame-de-Grâce. On y voyait les petits, en de charmants tableaux, dansant et chantant sous toutes sortes de déguisements  (je me souviens particulièrement de petits canards jaunes) tandis que les plus grandes dansaient des extraits de pièces classiques.

 

 Que de travail cela demandait aux religieuses, professeurs et élèves !

Je me souviens aussi d'une cérémonie de Profession de Foi si bien préparée, dans la chapelle Notre-Dame de Grâce, de plusieurs Premières Communions, de Confirmations dans la petite chapelle du « château », si intimes et recueillies,  suivies de la photo de groupe sur le perron.

 

Et les costumes ? Si nous en parlions ?

 

Ceux des religieuses, d'abord, qui au fil des ans ont abandonné la première coiffe pour un voile plus léger, leurs lourds vêtements pour une jupe courte, bleue,  avant d’en arriver, en définitive, au costume de tout le monde.

 

Ceux des élèves qui portèrent longtemps la jupe bleu marine avec un corsage blanc, puis écru, la veste ou le manteau, toujours bleu marine avec l'écusson de Jeanne d'Arc.

 

Il y eu la guerre des pantalons. Formellement interdit autrefois à nos filles, ils furent d'abord tolérés pendant les grands froids avant d'acquérir finalement droit de cité.

Il y a eu la crise de 1968, où un beau jour de cette année agitée, au mois de mai, bien entendu, les parents apprirent avec stupeur que les professeurs faisaient grève ! Que de conciliabules, critiques,   réunions, résolutions ! Il en est du reste résulté un grand renouveau de l'association de parents d'élèves (A.P.E.L.) qui prit vraiment son essor à cette époque.

 

Septembre 1981 : notre 8ème, Marie-Odile, entre à Jeanne d'Arc, elle aussi en 6ème. Nous retrouvons le collège après cinq ans d'absence.

 

Jeanne d'Arc n'est plus, évidemment, l'institution de 1957. Jadis, une fille pouvait en sortir bachelière après avoir fait toute sa scolarité. Elle n’y reste que 4 ans à présent… Néanmoins, le nombre d'élèves est bien plus considérable malgré les changements radicaux (le dernier en date étant la nomination d'un directeur laïque), je puis attester d'une chose : c'est que l'esprit de l'institution reste le même : former de jeunes chrétiennes responsables. Lorsque, dans un an, nous quitterons définitivement Jeanne d'Arc, ce ne sera pas sans mélancolie car nous avons le sentiment d'avoir mené avec tous, religieuses, professeurs et parents, une aventure passionnante.

 

Merci Jeanne d'Arc !

 

                                                                                         F. Estienne

 

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